SUUNS
Partagez cet événement
Pour plus d’information à propos de cet événement, veuillez contacter l’organisateur de l’événement, La Taverne, à lulu625@hotmail.com.
Achat de billets
SUUNS
Hold/Still
, troisième album studio de Suuns, est un objet énigmatique, une suite
musicale
à la beauté étrange et à l’interprétation méticuleuse qui
englobe
les
contraires et
fait de
la
distorsion
cognitive
une
vertu.
Une oeuvre
qui ne
cède
pas facilement ses secrets
. Les onze chansons qui
y
figurent sont à la fois
psychédéliques
et austères, sensuelles
et
froid
es, organiques et électroniques;
elles
contiennent
une tension frisant la folie tout en conservant un
calme et un
contrôle irréprochables. «
Une partie de cet album résiste à celui qui l’écoute, et
je crois que c’est le fait de ces forces qui s’opposent constamment, explique le
batteur Liam O’
Neil
l
. Prenez
“
Brainwash
”
par exemple. La mélodie
à la
guitare,
très douce et lyrique, côtoie des textures percussives extrêmement agressives
et éparses.
»
Dès le départ, Suuns (
qu’on prononce «
sounz
»
et
qui signifie «
zéro
» en thaï)
cherchait à faire les choses autrement. Le groupe est né à Montréal en 2007,
lorsq
ue le chanteur et guitariste Ben Shemie et le guitariste Joe Yarmush se
sont rassemblés pour créer des démos, bientôt rejoints
à la batterie
par Liam,
l’an
cien camarade de classe de Ben,
et
par Max Henry au synthétise
ur. Tous
deux parus chez
Secret
ly
Canad
ian, l
es premiers albums de la formation,
Zeroes
QC
(2010) et
Images Du Futur
(2012), finaliste au prix Polaris
,
ont connu un
succès critique immédiat. Rapidement, Suuns s’est inscrit dans la renaissance
musicale montréalaise
de la fin des années
2000
aux côtés de
The
Besnard
Lakes, Islands et Land of Talk. Pourtant, Suuns semble loin des grands
ensembles baroques et orchestres apocalyptiques qui caractérisent la scène
de
Montréal
. «
Nous faisons de la musique plut
ôt minimaliste
, soutient Ben. La
forme
de nos ch
ansons n’est pas traditionnelle
et parfois, ça ne va nulle part,
mais les pièces possèdent leur propre logique.
» Autrement dit par Joe
: «
C’est
de la pop,
mais
placée
dans une sorte d’espace
maléfique
.
»
Après avoir
réalisé
leurs deux premiers
disques avec leur ami Jace Lasek de
The
Besnard Lakes, qui opère le studio montréalais Breakglass, Suuns a décidé que
Hold/Still
exigeait une approche différente. En mai 2015, ils
s
ont donc
partis
pour
Dallas, au Texas, afin d’y travailler avec le product
eur John Congleton,
lauréat d’un prix Grammy (
l’homme derrière
St
Vincent,
The War On Drugs,
Sleater Kinne...
)
.
Pendant trois semaines intenses, les quatre musiciens ont
passé
leurs journées en studio où Congleton
les
a poussé
s
à enregistrer des
prises
live
parfaites
,
ne
requérant
presque aucun
e
retouche additionnelle
. Le
soir,
ils s'en
ret
ournai
ent
dans
la chaleur étouffante de
leur petit appartement.
«
Quand on enregistre à Montréal, l’atmosphère est à la fête, raconte Joe.
Là
-
bas
, on avait
l’impression d’être en mission. On cherchait quelque chose
qui
pourra
it nous sortir de notre élément et
s’infiltrer dans
notre musique.
»
Par
chance
, l’effet a été galvanisant. Sous la
gouverne
de Congleton,
«
Translate
»
et
«
Infinity
»
, des
chansons
que
le
quatuor
retravaillait depuis des années, on
t
soudainement trouvé leur forme.
Le résultat est sans contredit leur album le plus
abouti
à
ce jour
, le son d’un
groupe œuvrant dans un état de synchronisme mental
, façonnant à la guitare
une musique qui semble échapper à une tradition précise, aux carcans des
genres. Du blues électronique hanté de
«
Nobody Can Save Me Now
»
aux sept
minutes lancinantes de
la pièce maîtresse
«
Careful
»
,
Hold/Still
met de l’avant le
travail de Max, un obsédé du synthétiseur qui
conçoit
ses propres
patchs
et
admet
utiliser de l’équipement bancal ou bon marché
,
en plus d’instruments
haut de gamme
,
parce que «
[un appareil de q
ualité] fait tout le travail à v
otre
place, et
ça
n’est pas toujours
amusant
.
» Certes, le groupe est inspiré
tant
par
les textures du groove sombre d’Andy Stott, les arpèges florissants de Ja
mes
Holden et
les productions dentelées de Death Grips
,
que
par tout ce qui touche
de près ou de loin
au rock
. «
T
ant que ça n’a pas été
effleuré
ou baigné dans un
éclairage électronique
, ça ne marche pas
», élabore Liam. «
C’est rare qu’une
batterie, une
basse et une guitare acoustique constituent un produit fini à nos
yeux
. Pour qu’une chanson soit du Suuns, il
faut qu’elle ait été colorée par
l’électro
nique
.
»
Le groupe reste profondément épris de l’esthétique de l’obscurité. La
couverture d
u disque
est une image de l’ex
-
collègue de Ben, Nahka, captée par
la photographe Caroline Désilets au sténopé lors d’une e
xposition de quatre
minutes.
Hold/Still
, c’est le cas de le dire.
Une autre contradiction réside dans la voix de Ben, beaucoup plus articulée et
franche que sur les albums précédents. S’il y a un thème qui unit
Hold/Still
,
c’est selon Ben une exploration
«
du sexe... peut
-
être pas l’acte en lui
-
même,
mais des sujets de nature sexuelle.
I
l y a
par ailleurs
un sous
-
texte spirituel qui
tend vers un autre type de quête.
» La sexualité
s’illustre dans
le romantisme
sombre de
«
Careful
»
, alors que le désir devien
t à la fois sexuel et spirituel dans
les appels inassouvis de
«
Instrument
»
: «
I wanna believe/I wanna receive...
»
La spiritualité prend le dessus dans la dernière partie du disque.
«
Nobody Can
Save Me Now
»
évoque
For You
,
l’incantation fantomatique de
l’artiste Tracey
Emin à la Cathé
drale de Liverpool
: «
I felt you / and I knew that you loved me
»,
tandis que ‘Brainwash’ interroge
: «
Do you see, all seeing? / Do you know, all
knowing?
»
Dans un centre culturel tel que Montréal, les
musiciens
peuvent
parfois
tomber
dans la facilité à force de jouer
pour leurs
pairs. Mais Suuns semble toujours à la
recherche de la frontière la plus proche.
L
e groupe
a
trouvé
ses
premiers
auditoires en France et en Belgique, où
ses membres
ont assumé la
programmation
du
festival Sonic City en 2012,
invitant des formations
très
diverses
telles
que Swans, Tim Hecker et Demdike Stare.
Parallèlement, les
deux dernières années ont été consacrées à des tournées qui les ont entraînés
aussi loin que le Mexique, le Maroc, Beyrouth, Taïwan et Istam
b
ul, parfois en
compagnie de leur ami Radwan Moumneh
,
du projet multim
é
dia Jerusalem In
My Heart, avec qui Suuns a lancé un formidable album collaboratif
il y a un an
,
Suuns And Jerusalem In My
Heart
.
«
On fait beaucoup de tournées ensemble et à ce stade, on a voyag
é un peu
partout dans le monde
, affirme Ben. C’est un effort concerté
de notre part,
chaque fois que
l’occasion se présente
. On
se dit
:
“
cette fois
-
ci, essayons
d’aller plus loin à
l’est, encore plus au sud
”
. On se retrouv
e à jouer devant des
gens qui ne voient pas souven
t des groupes sur scène, et ça peut devenir
vraiment intéressant.
»
En d’autres termes
, ceux qui s’aventurent hors de leur
zone de confort sont récompensés
–
une vér
ité qui s’applique également
à
Hold/Still
,
l’
album qui tire son étrange pouvoir de tensions bouillonnantes et de
juxtapositions bizarres, saisissantes et qui, ce faisant, propulse le rock sur un
sentier nouveau et inexploré.